Xavier Mathieu, ex-Conti(nental) et figure emblématique du conflit contre la fermeture de l’usine de Clairoix (Oise) annoncée en 2009, revient sur la condamnation de huit salariés de Goodyear à 24 mois de prison, dont neuf ferme pour «séquestration» de deux cadres de l’entreprise en 2014. Le 7 février 2010, le syndicaliste (CGT), aujourd’hui comédien, a lui aussi été condamné à 4 000 euros d’amende pour la dégradation de la sous-préfecture de Compiègne, en marge du conflit social, puis de 1 200 euros, l’année suivante, pour refus de prélèvement d’ADN.

«Ce sont les fermetures d’usine qui sont violentes»

«C’est un scandale pur et simple. C’est écœurant. On a voulu faire un exemple. Mais en matière d’exemplarité, c’est toujours les petits qui trinquent. Jamais les patrons. Ceux qui ferment illégalement les entreprises, comme cela a été le cas pour Continental en 2009. Ceux qui sont responsables d’accidents mortels de salariés par manque de sécurité. Pas plus que les hommes politiques qui piquent dans la caisse. Eux ne font jamais de prison. Les responsables de Conti qui ont fermé illégalement l’usine, sans motifs économiques, ont eu, pour toute condamnation, une amende financière. Au total, ils ont dû débourser quelques dizaines de millions d’euros. Mais qu’est-ce que c’est par rapport aux milliards de bénéfices qu’ils ont empochés ? Ils auraient dû être obligés de payer les salariés mis à la porte jusqu’à ce qu’ils retrouvent un boulot ou qu’ils atteignent l’âge de la retraite. Mais non, ils ont juste versé de quoi les faire vivre un an ou deux.
«C’est révoltant. Qu’ont fait les mecs de Goodyear ? Ils se sont juste révoltés contre une injustice. Ils ont juste gardé des cadres parce qu’ils n’obtenaient pas de réponses à leur question. On est loin des séquestrations qu’on a pu connaître par le passé dans la métallurgie. Les types ont pu boire de l’eau, appeler leur proche. C’était plus du baby-sitting qu’autre chose. La violence, elle n’est pas de leur côté. Ce sont les fermetures d’usine qui sont violentes. Celles qui mettent les gens dans la merde, qui les poussent vers le suicide, l’alcoolisme, la drogue, la dépression, le RSA.

«Ils sont traités comme des criminels, on ne prend pas en compte leur détresse»

«Quand il y a une fermeture d’usine, les salariés savent très bien vers quelle galère ils s’orientent. Ils savent qu’ils vont sûrement devoir vendre leur baraque, que leur couple va exploser… Ils ont envie de tout démonter, de tout péter. C’est un instinct de survie. Quand les patrons annoncent un plan de licenciements de 4 000 personnes, alors que quelques mois plus tôt, ils demandaient aux salariés de baisser les salaires pour sauver l’emploi, de repasser à 40 heures payé 35, comment voulez-vous qu’ils n’aient pas envie de les attraper et de leur dire leur colère. Je sais ce que ces mecs subissent. J’ai mal pour eux. Ils sont traités comme des criminels et on ne prend même pas en compte leur détresse. On est revenu au temps des gueux et de la grande royauté qui marche sur tout le monde. Il n’y a pas de justice.
«Au final, les Goodyear payent pour ce qui s’est passé chez Air France. Le but c’est d’intimider. Tout est fait pour cela. Regardez le plafonnement des indemnités de licenciement obtenues aux prud’hommes que le gouvernement veut remettre sur la table. C’est fait pour que les gens ne se battent plus. Pourquoi iraient-ils devant les tribunaux pour obtenir trois fois rien ? Dans le cas des Goodyear, on est quand même face à un Etat qui poursuit, s’acharne contre des salariés, alors même que les deux dirigeants concernés ont retiré leur plainte. Et on parle d’un gouvernement de gauche… Moi, en 2010, j’ai été condamné à une amende de 4 000 euros alors que le parquet avait requis cinq mois avec sursis. Et c’était sous Sarko… Ça me donne envie de vomir. D’autant qu’en parallèle, les gens semblent tétanisés, ils ne se révoltent pas. Mais il faut que le gouvernement fasse gaffe, à un moment donné, ça va péter.»