7 mai 2021

punk vigilant

 « ARRACHE TES PATCHS ET ACHÈTE-TOI UN KÉPI »


La scène punk n’a rien à envier à toutes les autres scènes musicales. Elle a ses labels faiseurs de rois, ses têtes de gondole, ses groupes à la mode qui hier jouaient du free jazz et qui demain se trémousseront sur du zouk-electro-indus. Là ou la scène punk tire indéniablement son épingle du jeu, c’est dans les divisions, les sub-divisions de styles de zic et/ou de modes de vie.

Nous nous retrouvons par exemple avec celles et ceux qui se sentent oppressé-e-s par les jetons de caddy. Ou les personnes pro-chiotte sèche (qu’on appelle aussi les True-Raw-Chiotte-Sèche) qui n’utilisent pas que la sciure de bois pour recouvrir leur merde, mais aussi pour se torcher. Par opposition aux True-Raw-Chiotte-Sèche, nous avons les Flexi-Chiotte-Sèche qui eux revendiquent leur droit d’utiliser du PQ. Les deux clans se mènent une guerre sans merci depuis des années…
Il existe aussi les Écolo-Pizzaiolo-Solaris qui cuisent leur pizza au soleil, les Végano-Saucissono-Altruiste qui ne peuvent pas se passer de saucisson, mais qui en toute circonstance couperont toujours des rondelles pour les autres. Je m’arrête là, mais pour vous donner un ordre d’idée on décompte environ six cents collectifs pour un peu moins de personnes.
Il est rare, mais c’est déjà arrivé, que deux collectifs se réunissent et mélangent leurs pratiques pour ne former plus qu’un. C’est ainsi que les True-Raw-Chiotte-Sèche se sont installés chez les Écolo-Pizzaiolo-Solaris. Les Raw-Chiotte-Pizzaiolo étaient nés : on met de la sciure sur les pizzas avant de se torcher avec.

« T’AS FORCEMENT FAIT UN TRUC QUI FINIT EN ISME »


Dernièrement nous avons fait jouer un groupe qui se foutait totalement du fait que la salle soit équipée d’électricité ou non. Ils et elles sont arrivé-e-s à vélo et sans matos. Le guitariste se sentait oppressé par les cordes de guitare du coup il n’en jouait pas. La batteuse refusait de jouer de la batterie parce que c’est un instrument élitiste : les manchots et les unijambistes peuvent difficilement en jouer. Par solidarité avec le guitariste, le chanteur qui devait utiliser ses cordes vocales ne chantait pas. Bref, un groupe soudé qui ne s’est pas démonté et qui a grimpé sur scène pour rester debout à nous fixer bizarrement comme si tout cela était de notre faute. Pour détendre un peu l’ambiance, je leur ai proposé de descendre de scène et qu’on se fasse des crêpes à la cool tous ensemble. Le groupe a refusé prétextant que cette activité était élitiste par rapport à celles et ceux à qui il manquait un membre. Un an s’est écoulé depuis la venue de ce groupe. Un an qu’ils sont là et qu’ils refusent de bouger à cause d’une malheureuse réflexion que je leur ai faite. Le soir du concert, je n’ai pas pu m’empêcher de leur faire remarquer qu’ils et elles étaient venu-e-s à vélo et que c’est un moyen de transport difficilement accessible pour les unijambistes.

Que tu attendes depuis trois ans que ta pizza gratine au soleil, que tu marches en pas chassé à cause de la sciure qui a transformé ton cul en véritable fournaise, que tu te sentes oppressé par les chaussons au pommes, bref, au-delà de toutes ces conneries, euh, pardon, je voulais dire différences, nous allons quand même toutes et tous dans le même sens… Nous avons la haine du racisme, du fascisme, de l’homophobie, du validisme et encore plein de trucs qui finissent en isme (l’autre jour j’ai vu un flyer de concert ou y avait tellement de pratiques interdites qui finissaient en isme qu’on voyait à peine le lieu et les noms des groupes). Qu’on le veuille ou non, personne n’est parfait et y aura toujours quelqu’un pour te montrer du doigt et t’accuser d’un truc qui fini en ISME. Restons tolérants et faisons gaffe de ne pas rejeter l’autre parce qu’il utilise son four pour cuire une pizza…

 «MATOS DE HIPPIE ET SARDOU ROI DES PUNK »


Concernant la musique, le punk a là aussi autant de zicos que de sous-genres. Le crust, le neo-crust dit aussi le crust gel douche, le punk rock, l’emo punk, le proto-punk, le post-punk, le garage punk, le cabanon punk dit aussi punk acoustique, etc.
Les punks à chiens ne peuvent pas blairer les crusties qu’ils jugent trop politiques et chiants. Les psychos tapent sur tout le monde si tu oses parler de leur « banane » au lieu de dire « flat top ». Les gothiques en veulent au hardcoreux parce qu’ils balancent aux corbeaux des miettes de pain non bio et avec du gluten. Il existe quand même une convergence concernant les emos que presque tout le monde déteste.

La mode est au punk rock oi! chanté en français avec un son clair à la guitare. Pour faire fuir un vampire, on brandit devant sa gueule un crucifix, et ben aujourd’hui pour faire fuir un punk il suffit de lui secouer une pédale disto sous le nez. S’il avait eu 35 ans de moins, Jean-Jacques Goldmann aurait pu sortir un disque chez le label La Vida Es Mus avec cette description : « French DIY fastcore for fans of Mariah Carrey or Mat Pokora. » Les labels se tirent la bourre pour choper le dernier groupe à la mode qui n’a fait que deux répètes, mais qui a un look d’enfer et qui a construit son matos avec du quinoa de récup’ et de la véganaise trop dosée en estragon.

« PUIS-JE VOUS AIDER À MIEUX CONSOMMER ? »


Je ne sais pas si tu as entendu parler des sneakers LIDL. Le magasin discount a lancé une collection de baskets dégueulasses aux couleurs du magasin. 10 balles la paire et honnêtement ça ne vaut pas plus. Des centaines de mètres de queue, des gens qui se tapent sur la gueule, et tout ça pour choper des pompes de merde. Les chaussures ont été sold out en une heure et revendues sur Internet vingt ou trente fois leur prix. Cette logique consumériste absurde existe-t-elle dans le punk ? Certains répondront NON tout en achetant un disque de Chaos UK 150 balles sur Discogs. D’autres te répondront aussi par la négative tout en calculant la pseudo valeur financière d’un groupe avant de sortir leur galette… Sans déconner, je ne serais même pas étonné si j’apprenais qu’un groupe punk avait écrit une chanson qui parle de leur crainte du retour de l’ISF. Bref, tout ça n’est vraiment pas grave et je n’ai aucun problème avec ces pratiques à partir du moment où on arrête de se raconter des histoires… Celle d’une scène tragico-politico-comique qui ne crée plus que des alternatives bidons pour se sentir encore un peu hors système.


    José, mais je préfère que tu m’appelles « éclatante fleur de tulipe à la rosée du matin ».



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